Au départ l’initiative semblait louable : l’agence de pub Grey Singapour a conçu une application appelée I SEA, censée permettre de sauver des migrants en Méditerranée. Le principe : attribuer à chaque mobinaute téléchargeant l’app une portion de mer à surveiller. S’il repère un bateau en perdition, il peut en signaler les coordonnées à la Migrant Offshore Aid Station afin que les secours interviennent. L’application a été lancée le 15 juin à grand renfort de vidéo explicative et les médias du monde entier ont relayé cette belle initiative supposée : Reuters, Wired, HuffingtonPost, Newsweek, etc.
Le timing était parfait : ce lundi 20 juin se déroulait la journée mondiale des réfugiés. Et surtout, le samedi 18, débutaient les Cannes Lions, le plus important festival publicitaire mondial. Bingo ! La campagne de Grey Singapour y a été récompensée d’un Lion de bronze (catégorie Promo & Activation).
Mais le même jour, Apple retirait l’app de son store. La raison : elle était bidon ! Des observateurs ont d’abord mis en cause son fonctionnement : comment est-il possible de repérer à l’œil nu et non entraîné un bateau de réfugiés en perdition sur un écran de smartphone ? Puis les geeks et autres développeurs sont montés au créneau. Ils ont ainsi révélé que tout le monde recevait la même image : une capture de Google Maps datant du 9 juin et retouchée sur Photoshop. Pour faire croire que les données étaient actualisées en temps réel, l’appli fournissait les données météo de la Libye.
Depuis, la Migrant Offshore Aid Station, qui a eu la sensation désagréable de se faire enfiler, a cessé sa collaboration avec l’agence Grey. Une agence qui s’est justifiée en expliquant que l’appli était encore en phase de test. Gagner un Lion à Cannes faisait certainement partie du processus de test… Et peu importe si des migrants continuent de se noyer en Méditerranée. Un seul mot pour résumer toute cette affaire : ABUSÉ.