Culture Week – Semaine du 8 au 15 décembre 2015
Cette semaine, on s’est gavé de tartiflette et de publicités au Cristal Festival de Courchevel. L’occasion de voir, ou revoir, quelques-unes des meilleures campagnes de l’année.
WINNER – Marc Dorcel, vainqueur haut la main
Le pilier du porno à la française a raflé la récompense suprême, le Grand Cristal du Festival, avec sa campagne #SansLes Mains. Si vous avez loupé ce grand moment d’onanisme contrarié, voilà de quoi il en retournait : pendant une semaine, en février dernier, tous les films du catalogue Dorcel étaient en accès libre sur Internet. A une condition : laisser enfoncées les touches A, S, P et L du clavier pendant le visionnage.
Une contrainte qui neutralise évidemment les deux pognes et limite fortement « l’expérience consommateur », comme on dit dans la pub. La campagne avait suscité un gros buzz et gonflé l’audience du site, comme l’explique ce case study plutôt bien foutu :
HUMOUR – Des films hispano-argentino-chinois à l’honneur
Ces 3 spots ont remporté le prix de la campagne virale la plus drôle de l’année. Initialement destinés au marché chinois, ils s’appuient sur un humour qui transcende les barrières culturelles. Et pour cause : ils sont issus de la collaboration entre une agence chinoise (Saatchi & Saatchi Greater China), une agence madrilène (Del Campo Nazca Saatchi & Saatchi España) et un réalisateur argentin (Nico Perez Veiga).
SANTÉ – L’appli de Samsung pour lutter contre Alzheimer
Si la maladie d’Alzheimer est pour l’instant incurable, sa progression peut être ralentie par une stimulation régulière de la mémoire. Partant de ce principe, Samsung s’est associé à une agence de pub tunisienne (3SG BBDO) et à l’Association Alzheimer Tunisie pour créer une application mobile permettant aux malades d’identifier plus facilement leur entourage. Grâce à la technologie Bluetooth, ils reçoivent ainsi une notification lorsqu’ils sont à moins de 10 mètres d’un proche. Ils ont alors accès à un profil contenant souvenirs, photos et vidéos. Une application qui fonctionne sous Android, en français ou en anglais, et téléchargeable sur Google Play. Ci-dessous, une vidéo expliquant plus précisément cette initiative intelligente et salutaire qui a reçu de nombreux prix lors du Cristal Festival.
MUSIQUES DE PUB – La synchro selon Alex Jaffray
Dans le jargon publicitaire, la « synchro », c’est l’art de coller de la musique sur de la vidéo. Alex Jaffray, chroniqueur à Télématin sur France 2, est également compositeur. Avec sa société StartRec, il a conçu les bandes-son de nombreuses pubs. Lors du Cristal Festival, il a animé une conférence sur l’art de la synchro et accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
Comment savoir si une musique de pub est efficace ?
Aujourd’hui, quand une musique de pub plaît au public, elle est immédiatement recherchée avec Shazam. Par exemple en septembre, la pub la plus shazamée en France, ça a été celle de la Fiat 500. Niveau stratégie musicale, c’est ce que j’appelle de « l’audace mesurée » : 49 % de Meghan Trainor, la nana qui a cartonné l’an dernier avec « All About That Bass » et 49 % de Charlie Puth, le mec qui a cartonné avec « See You Again » en duo avec Wiz Khalifa, un titre qui figurait sur la BO de Fast and Furious 7. Résultat, c’est 98 % de notoriété et la marque prend 0,1 % de risque de se planter avec le morceau « Marvin Gaye ».
Ça veut dire que les marques sont frileuses ?
Ça dépend. Desigual, par exemple. Pour le spot « Exotic Jeans », la marque a adopté la stratégie exactement inverse. Elle est allée chercher un collectif électro espagnol qui s’appelle Yall et la chanteuse Gabriela Richardson. Personne ne les connaissait, à part peut-être leur famille et leurs voisins. Là, c’est 0,1 % de notoriété et 98 % de risque de se bananer. Pourtant le morceau « Hundred Miles » a super bien marché sur les sites de streaming. À l’autre bout du spectre, vous avez la stratégie de Dim : celle de ne rien changer, puisque ça fait 45 ans que c’est la même musique [NDLR : ici une pub Dim version 1970, et là, en version 2015]. En l’occurrence, c’est une réorchestration d’une musique de film composée par Lalo Schifrin, le type à qui l’on doit le thème de Mission Impossible. Le film s’appelle The Fox et date de 1967.
Quel est ton top 3 des musiques de pub ?
D’abord le spot « Balls » pour Sony Bravia. Des milliers de balles multicolores qui dévalent les rues de San Francisco sur la musique de José González. Pour moi, ça a été une découverte. Depuis j’achète tout ce qu’il fait.
Ensuite, j’aime bien les synchros qui reprennent des musiques de film. Comme cette pub pour le Renault Scenic qui date de 2004. Le morceau, c’est « Twisted Nerve », composé par Bernard Herrmann pour le film du même nom. Un thriller psychologique super poignant qui date de 1968 et dans lequel un type cinglé se prend pour un enfant de 6 ans et se met à buter des gens. Cette musique, c’est ce qu’on entend lorsqu’il passe à l’action. Trente-cinq ans plus tard, le morceau est utilisé par Tarantino dans Kill Bill. C’est toujours sanglant, mais ça devient un peu rigolo. Et puis finalement, ça devient un truc sympa dans la pub, du genre « Wéééé, c’est super, on attend une voiture ! »
Enfin, j’adore quand la pub fait découvrir la musique classique au grand public. Dans ces cas-là, l’espace publicitaire permet d’offrir une forme d’ouverture culturelle à des gens qui n’auraient peut-être jamais écouté ce type de musique. Par exemple le spot pour Egoïste de Chanel. Un film culte des années 90. Personne ne savait que la musique, c’était Prokofiev. La « Danse des Chevaliers » du ballet Roméo et Juliette. Pourtant grâce à la pub, tout le monde sifflotait le morceau.