Tout a commencé jeudi dernier : les médias occidentaux découvrent une pub chinoise pourtant postée quelques semaines auparavant. Une pub aux relents racistes hallucinants : un homme noir passe à la machine à laver pour en ressortir « propre », c’est-à-dire de type asiatique, grâce à la lessive Qiaobi.
Dans les 24 heures qui suivent, c’est un déferlement médiatique. Plus d’une centaine d’articles du monde entier critiquent le spot, certains le qualifiant même de « publicité la plus raciste de tous les temps ».
L’annonceur chinois leur a d’abord renvoyé la balle, déclarant que : « Les médias étrangers sont peut-être trop susceptibles. » Puis, devant l’ampleur du tollé, a fini par s’excuser : « Pour le tort causé aux Africains en raison de la propagation de cette publicité et de l’écho qu’elle a trouvé dans les médias, nous présentons nos excuses. Nous regrettons que ce spot ait causé une telle polémique et nous assumons nos responsabilités pour son contenu. » On notera au passage que les Noirs sont forcément des « Africains » et que le principal regret concerne la polémique et non le contenu du spot.
Au-delà de la controverse, ce film en dit long sur l’Empire du Milieu (et accessoirement sur nous-mêmes).
Premier constat : ce spot n’a pas choqué en Chine, pays où la population noire est pratiquement inexistante (malgré une immigration récente du fait de l’essor des échanges commerciaux avec l’Afrique). Et on se moque plus facilement de ce que l’on ne connaît pas, comme le confirme un directeur artistique chinois interrogé par le magazine AdAge : « Quand nous sommes petits, on nous raconte toujours des blagues sur des Noirs qui deviennent Blancs après s’être lavés. Alors quand nous voyons ce genre de pub, ça nous paraît normal. »
Deuxième constat : les canons esthétiques ne sont pas les mêmes en Occident et en Chine. Dans beaucoup de pays asiatiques, comme la Thaïlande ou l’Inde, un teint clair est un critère de beauté traditionnel lié au statut social. Une peau bronzée est en effet associée au travail de plein air, dans les champs, et donc aux classes laborieuses. Un mépris de classe qui s’est transformé en racisme structurel.
Troisième constat : la Chine est le pays de la contrefaçon créative. Cette pub est en effet la copie conforme d’un spot italien datant de 2006. Un spot tout aussi raciste, sauf que le propos était inversé : un blanc devenait noir grâce à une teinture pour vêtement. Le plagiat a été poussé jusqu’à utiliser la même musique.
Enfin, ce qui a le plus choqué, c’est le racisme naïf, grotesque et frontal de cette pub chinoise. Occasion rêvée pour les médias occidentaux d’asséner ses leçons de bonne conduite à l’Empire du Milieu, sur le mode « voici la pub la plus raciste de l’histoire ». En oubliant un peu vite que les pubs Banania, c’était il n’y a pas si longtemps et qu’aujourd’hui, le racisme publicitaire n’a pas disparu chez nous, il est juste plus insidieux : peu de diversité, rôles stéréotypés… sans compter les vagues de protestations racistes aux États-Unis dès qu’un spot met en scène un couple mixte.